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Publié le 15/08/10


Brigitte Engerer, une vie sans fausse note


Brigitte Engerer, c'est d'abord une femme, une force de la nature dotée d'une boulimie musicale constructive la poussant à jouer sans cesse, sur toute les scènes du monde, en relevant tous les défis ...

Brigitte Engerer s'est éteinte samedi 23 juin à Paris à l'âge de 59 ans, a annoncé son agent.



Si ce n'est son origine Tunisienne, qui ne la prédisposait pas forcément au destin grandiose qui l'attendait, la jeune Brigitte, âgée alors de 3 ans s'exerce déjà sur un piano jouet dans sa salle de bain, jouant ainsi sur les notes et les sons, sans doute parce qu'elle y découvre aussi le principe de la réverbération du son, elle y passe des après-midis entiers...

Ses parents décident alors de lui offrir un vrai piano et de lui payer des cours. S'en suit tout le cursus des élèves doués : les conservatoires, les concours, les prix dont le premier qu'elle obtient a l'unanimité à l'âge de 15 ans dans la classe de Lucette Descaves (enseignante au conservatoire de Paris), puis, le deuxième l'année d'après où elle finit 6ème de sa promotion au prestigieux concours Marguerite Long-Jacques Thibault (concours international de piano et de violon).

A 17 ans elle part vivre à Moscou où elle fait probablement l'une des rencontres les plus importantes de sa vie, celle de Stanislas Neuhaus, véritable père spirituel musical pour elle. Celui-ci va lui apprendre l'exigence, la sonorité, le legato (signe qui indique une liaison entre les notes). Mais aussi sa façon de voir la musique, « j'ai commencé le piano à l'âge de 4 ans mais j'ai du attendre d'être en Russie pour comprendre que j'aimais vraiment cela, à l'âge de 18 ans ! ».

Elle qui, quittant son petit confort parisien, arrive dans un pays où elle ne connaît ni la langue, ni les moeurs, se met naturellement à parler russe, lire russe, jouer russe. Maintenant encore, il lui arrive de rêver dans cette langue.

Le second défi de son existence est sans doute quand Herbert von Karajan, la remarque dans un petit cabaret de Moscou et l'invite à participer aux Fêtes du Centenaire avec l'un des plus exigeants orchestres au monde, le Philharmonique de Berlin. Aucun faux pas ne lui sera pardonné... et elle n'en commet pas. La cinquantaine lui oppose un troisième défi, et non des moindres : un cancer.

Et pour gagner cette guerre Brigitte Engerer enrôle sa bonne fée, la musique. Hospitalisée à Marie Curie à Paris, c'est un véritable feu d'artifice sonore qui retentit dans les couloirs, où résonnent les accords d'un piano qu'elle a déniché. Tous les jours, son ami et complice le violoncelliste Henri Demarquette l'y rejoint pour travailler « l'invitation au voyage » disque qu'il doivent enregistrer ensemble.

Le tropisme slave, la direction « inconsciente », Tchaikovski, Rachmaninov et Chopin (dont elle interprétera certains de ces cantiques) seront pendant longtemps ses compositeurs de chevet.

Aujourd'hui, elle part à l'aventure sortant un peu des sentiers battus et du classicisme qui l'a longtemps « dirigée ». Elle fait sienne des oeuvres telles que le « concerto pour piano » de Clara Schumann ( la femme de ...), « Via cruzis » de Liszt (dont elle interprétera également certains cantiques) le « Stabat Mater » de Dvorak et le « Requiem allemand » de Brahms dans leur version pour choeur et piano, elle se lance dans la musique contemporaine, elle, que les nouveaux langages ont longtemps rebutée.

Pour Brigitte Engerer, partager, c'est aussi transmettre et contrairement à ses pairs qui veulent briller seuls dans l'arène, cette grande pianiste doublée d'une grande professionnelle n'aime rien tant que ça. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle montre le souhait de transmettre le précieux enseignement reçu à travers des masterclass qu'elle donne régulièrement à Berlin, Birmingham, Nice, Paris ou encore Tokyo.

Elle est aussi à l'origine du festival Pianoscope à Beauvais : un long week-end de musique correspondant à son image de dévoreuse de musique, les concerts s'enchaînent du matin au soir, sous toutes les formes (récitals, musique de chambre, quatre mains), entrecoupés de rencontres avec le public (le temps de bavarder en buvant un verre) et d'interprétation d'oeuvres commandées à des jeunes compositeurs (car la musique classique n'est pas un musée).

Brigitte Engerer ne cesse de poursuivre son inlassable quête de la vérité musicale à laquelle elle apporte la somme de ses talents : infaillibilité des doigts, instabilité des sentiments.

Entre ces deux pôles, Brigitte Engerer joue les équilibristes. A la perfection : c'est une artiste. Cantiques d'amourCantiques d'amour Passion, chagrin, bonheur, jalousie, dévotion...

La pianiste Brigitte Engerer vous fera vibrer à toutes les formes de l'amour qui ont nourri l'imagination des compositeurs et des poètes. De Jean-Sebastien Bach l'amoureux de Dieu jusqu'à Franz Liszt l'amoureux des femmes (qui deviendra abbé à la fin de sa vie), Brigitte Engerer égrènera les pages les plus ardentes, dont les célèbres « cantiques d'amour » de Listz appartenant à ses « Harmonies Poétiques et religieuses ».


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